Produire des plaquettes dans une puce microfluidique
Les plaquettes sanguines permettent l’arrêt du saignement et empêchent les hémorragies. La diminution du taux de plaquettes circulantes est observée chez les patients en chimiothérapie, dans les greffes de moelle ou chez les polytraumatisés. Elle nécessite des transfusions de plaquettes par concentrés plaquettaires dont la seule source provient des dons du sang. Cependant, l’augmentation des besoins transfusionnels, l’insuffisance de donneurs et la durée de conservation des concentrés plaquettaires limitée à 5 jours, résultent en une situation de grave tension, voire de pénurie. Les spécialistes reconnus internationalement se penchent actuellement sur des procédés innovants dédiés à la production de plaquettes, et qui font intervenir des dispositifs microfluidiques. En effet, par la taille typique des microcanaux réalisables par microfluidique et des écoulements qui les caractérisent, ces dispositifs sont parfaitement adaptés à l’étude des mécanismes à l’échelle de la cellule.
Physiologiquement, les plaquettes se forment à partir de mégacaryocytes, de grosses cellules contenues dans la moelle osseuse. Celles-ci migrent jusqu’à la paroi des capillaires qui irriguent la moelle, et sous l’effet de l’écoulement du sang, leur cytoplasme se fragmente pour donner naissance aux plaquettes sanguines.
En travaillant dans un consortium rassemblant physiciens, biologistes et médecins, nous avons développé un laboratoire sur puce microfluidique qui permet de produire en quelques heures une grande quantité de plaquettes sanguines. Cette puce est constituée d’un canal décoré d’une forêt de micropiliers. Les mégacaryocytes perfusés adhèrent aux piliers grâce à une protéine de la paroi du vaisseau sanguin, le facteur de von Willebrand, qui recouvre la surface des micropiliers et qui reconnaît spécifiquement la membrane des mégacaryocytes. Les cellules ainsi piégées dans l’écoulement sont exposées aux forces hydrodynamiques qui favorisent leur élongation et leur fragmentation en plaquettes. Le cytoplasme des mégacaryocytes se coupe alors sous l’action de l’écoulement en libérant régulièrement des plaquettes dans le flux de la perfusion.
Ces premiers travaux très prometteurs nous ont permis d’effectuer des premières caractérisations biologiques qui ont montré que les plaquettes n’étaient pas activées à la sortie de ce petit bioréacteur mais qu’elles étaient sensibles à une activation chimique et semblaient donc à même de remplir leur fonction anti-hémorragique chez un receveur.
Déformation d’un mégacaryocyte sous l’action d’un écoulement dans une chambre microfluidique garnie d’une forêt de micro-piliers. Le mégacaryocyte prend la forme d’un collier de perle avant de se fragmenter et de libérer régulièrement des plaquettes dans le flux de la perfusion. La flèche indique le sens de l’écoulement. ©Gulliver et PlatOD